Généralités et plaidoyer pour l'introspection.

"Connais-toi toi même, et tu connaîtras l'univers et les dieux."  (précepte se trouvant à l'entrée de l'Oracle de Delphes)

L'introspection est un procédé psychanalytique et psychologique usité depuis les débuts mêmes de l'occultisme, et cela , pour toutes ses variantes traditionnelles, cela consiste en une "Observation méthodique, par le sujet lui-même, de ses états de conscience et de sa vie intérieure." selon le Larousse... Ainsi , l'introspection est-elle obligatoire ? de quoi s'agit-il exactement ? Comment la mettre à profit ? Pourquoi est-elle si bénéfique ? sont des questions récurrentes auxquelles nous allons tenter de répondre en énonçant quelques généralités et d'argumenter en sa faveur.

I- Généralités 

  a) La psychanalyse

      La psychanalyse , mot fondé sur le préfixe "psych", venant de psyché la célèbre figure de la mythologie grecque. La Psychanalyse (Psycho-analyse) est fondée par Sigmund Freud à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, elle signifie analyser méthodiquement les tourments psychologiques pour comprendre et dénouer nos conflits intérieur, pour cela , le psychanalyste se base sur l'analyse des rêves, des associations d'idées etc...

Pour comprendre l'introspection dans son essence , et comprendre son action , il est nécessaire de connaître quelques notions de base de psychanalyse, ainsi l'on différencie différentes "couches" ou "instances" dans la personnalité humaine :

Le Surmoi

Le Surmoi provient de la résolution du "complexe d'Œdipe" (le désir inconscient d'entretenir un "rapport sexuel" avec le parent du sexe opposé et celui d'éliminer le parent rival du même sexe que l'enfant) : celui-ci s'identifie au parent du même sexe et en intériorisant ainsi l'autorité de ce parent, l'enfant le tue symboliquement en s'emparant de sa sphère d'influence et rend en quelque sorte ce parent "superflu".

L'apparition du Surmoi est en outre liée à la prise de conscience de l'existence d'une réalité extérieure au cercle familial et à l'apprentissage sinon à l'intégration d'interdits, ce qui a pour conséquence de mieux gérer les rapports de l'enfant avec le monde extérieur , et de lui épargner quelques situations désagréables et autres "bêtises" qu'il pourrait par la suite répéter.

Le Surmoi est donc l'agent critique, la "poupée d'argile façonnée". La plupart du temps inconscient, filtrant les pulsions au travers des normes , dogmes, lois , règles etc... intériorisées. Ces "normes" (interdits, exigences) peuvent être d'ordre morales, sociales ou culturelles et varient d'un individu à un autre. Le rôle des parents dans cette structuration mais aussi de son éducation durant l'enfance est des plus important, en particulier le rôle du père qui représente traditionnellement l'autorité. Le Surmoi, croisé avec le Moi, est l'instance qui génère le refoulement des pulsions jugées inacceptables. Il guide l'enfant devenu indépendant, et par la suite, l'adulte dans ses choix.

Le Surmoi est une "entité" très complexe et qui se complexifie à mesure que l'enfant avance et gagne en maturité, ainsi , le Surmoi est souvent contradictoire.

Le Moi / Je

C'est la partie de la personnalité la plus "polymorphe", Il est toujours en contact avec la réalité extérieure et il s'efforce d'asseoir son influence  sur le ça au travers de divers procédés. Soumis au principe de réalité, il a un rôle de régulateur et de médiateur. Ses opérations sont inconscientes (mécanismes de défense). Il est issu du ça confronté à la réalité extérieure et se forme à partir d'identifications, de sensations éprouvées, des expériences vécues... etc , Il est à la fois le lieu de l'identité personnelle, du contrôle du comportement, du rapport aux autres et de la confrontation entre la réalité extérieure, les normes morales et sociales et les désirs inconscients.  

Le refoulement par exemple, est un des nombreux mécanismes de défense du Moi. Il se manifeste lorsque le désir et les pulsions ne peuvent être acceptés et doivent être dérivés.

 il se situe entre les exigences du ça et celles du surmoi. Il est à la fois conscient, préconscient et inconscient. Il n'apparaît que progressivement, Son rôle initial est d'établir un système défensif et d'adaptation entre la réalité externe et les "exigences" des pulsions.

Le ça

Conceptuellement, le Ça représente la partie pulsionnelle de la psyché humaine, il ne connaît aucunes normes , ni interdits, ni exigences, ni réalité (temps ou espace) et n'est régi que par le seul principe de plaisir et de satisfaction immédiate et inconditionnelle de nos besoins physiologiques. C'est donc le centre des pulsions, des envies qui constituent l'énergie psychique de l'individu, la "libido". Le Ça est une instance entièrement inconsciente. C'est l'instance dominante chez le nourrisson qui ne fait pas la part entre réel et imaginaire.

Il se heurte le plus souvent, et le plus violemment, au Surmoi qui est le centre des normes imposées (par l'extérieur, la société...). Le Surmoi interdit la satisfaction des pulsions du Ça et les refoules.

Cette lutte intérieure génère des conflits qui s'extériorisent par le Moi, le résultat devenu conscient et en contact avec l'extérieur.

Le Ça est donc une instance innée et héréditaire, somme des caractères de l'espèce (sexualité, agressivité et instinct de survie...) ; d'autre part de l'acquis de l'individu lambda, résultat de son expérience et du refoulement des pulsions qui n'ont pu s'exprimer (et qui réapparaissent sous une autre forme).

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b) Conscient , Subconscient et Inconscient

   Nous avons vu les 3 principales instances du psychisme selon Freud, il est nécessaire à présent d'appréhender les notions des différents phénomènes mentaux que sont la conscience , le subconscient et l'inconscient, commençons par le conscient , qu'est-ce ? :

Conscient / Conscience est un terme très polysémique , mais dans le cadre de l'étude du psychisme selon les notions psychanalytiques de Freud , il est question d'une "instance" elle aussi, incomplète et subjective soumise au moi et aux réminiscences de l'inconscient. Le conscient est, comme le dit l'expression , que "la face émergée de l'iceberg", elle se définit comme la « relation intériorisée immédiate ou médiate qu’un être est capable d’établir avec le monde où il vit ou avec lui-même » de ce fait , le conscient est soumis aux émotions , à l'intellectualité, la réflexion , les sensations etc...

Le Subconscient correspond aux processus psychiques non accessibles au conscient. Ses champs d'actions relèvent de tout ce qui a trait aux automatismes. Le subconscient provient d'un défaut de synthèse des éléments constitutifs de la conscience. La notion de subconscient a de très nombreux points communs avec l'inconscient , tellement que certains psychanalystes l'ont assimilé avec cette dernière (Jung etc..).

L'inconscient, la partie de la psyché la plus vaste et la plus mystérieuse , Il peut être conçu comme un enchevêtrement d'idées, de perceptions, d'émotions, de mots, de signifiants, de pulsions constituant le psychisme, influant sur nos conduites, et inaperçues (directement) pour le conscient.

L'inconscient est l'instance sur laquelle les sorciers et mages agissent au niveau de l'envoûtement (en y "injectant" un message brut pour qu'il agisse de l'intérieur). Cette partie de la psyché contient tous les désirs refoulés , les "actes manqués"etc... elle n'est soumise à aucune lois de la logique. Elle est la partie la plus "entière" de l'individu , en ce sens , elle peut être comparée à l'ADN de nos cellules, une modification simple de l'inconscient a des conséquences inexorables sur notre comportement conscient , parfois même , malgré nous... les habitués des envoûtements ne sont pas sans connaître les effets secondaires de ceux-ci (légère dépression, sautes d'humeur inhabituels etc... jusqu'à parfois la folie pure et simple.).

Passons à présent à la notion d'introspection, cette pratique fait partie intégrante de nombres de traditions et de doctrines spirituelles, religieuses et magiques , il est question d'appliquer littéralement la maxime de l'Oracle de Delphes : "Connais-toi toi même" et pour cela , le praticien aura recours à moult techniques , magiques ou non, plus ou moins dangereuses.

Ainsi dans TOUTES les écoles initiatiques , le futur initié, aura jugé bon de se débarrasser des scories de sa personnalité par un travail assidu ( c'est du moins ce qui est préconisé, les faits peuvent apparaître différents...) , long (il n'est jamais terminé) par différentes techniques , les plus "sommaires" sont abordés dans le bouddhisme par le biais de méditations introspective.

Dans le Chamanisme archaïque, dans la Grèce antique et beaucoup de civilisations occidentales, mais encore aujourd'hui dans certaines tributs, pour provoquer un état modifié de conscience dans un but introspectif , il était consommé des substances psychotropes pour induire le "voyage initiatique".

Le catholicisme et son "examen de conscience" quotidien consistait en une observation et notation des plus complètes des actes de la journée , et de les juger "bons", ou pas , dans le cas de mauvaises actions , ladite personne devait faire en sorte de se débarrasser de ces traits de caractère pour n'en tirer que le meilleur.

De ce fait , l'introspection peut être largement comparée à une distillation objective de l'être dans un but de sublimation et de transcendance  de la personnalité.

II-Dans la pratique

a) Une obligation opérative ?

Dans la pratique magique et "ésotérique" , on ne peut dissocier la pragmatisme de l'introspection , de l'Initiation avec un grand "I". En effet la recherche de soi fait partie intégrante de TOUTES les écoles initiatiques ; et dans la voie du mage , c'est même le seul chemin à emprunter pour recouvrer son unité avec "Dieu" , "La grande déesse" , "Le grand architecte", "l'éternelle puissance de l'Univers"...etc.

La magie , dans ce cadre , est là pour faciliter ce chemin, le mage aura donc à sa disposition toute une ribambelle de techniques.

La magie cérémonielle joue ici ce rôle, le praticien utilisera des entités de tous horizons pour parvenir à la catharsis intérieure, dans le Satanisme, ou la Goétie ou toute autre tradition faisant intervenir des entités du "bas astral" (même toutes les pratiques invocatoires et évocatoires) contiennent comme pré-requis d'avoir suivi une introspection rigoureuse pour empêcher ces mêmes intelligences de nuire à l'opérateur, car ces entités agissent par l'inconscient, "s'accrochent" aux pulsions et désirs inavouées pour mieux exploiter ( nuire à ?) l'opérateur.

Les pactes fonctionnent de cette manière , par un réarrangement ou une "insémination" dans l'inconscient.

Les praticiens plus modestes ou bien autodidactes (car oui la magie cérémonielle représente un investissement réelle tant dans le temps , que dans l'argent) peuvent se résoudre à utiliser la symbolique d'une feuille de papier , un encre dans lequel ils auront mêler leur sang,  ils observeront leur comportement durant la journée et noterons leurs actions sur cette même feuille de papier pour ensuite , accompagnée d'une injonction à l'oubli définitif, la brûler sans regrets.

D'autres , utilisent l'auto-suggestion lorsque les barrières entre le conscient et l'inconscient se font le plus mince , c'est à dire les moments de pleine et nouvelle lune , ou alors les matins au levé et les soirs au couché.

En cela , l'introspection est-elle une obligation opérative ? oui , sans aucuns doutes , elle ne peut qu'être bénéfique lorsqu'on est honnête avec soi-même.

b) Introspection et Initiation

Comme dit ci-dessus , on ne peut dissocier initiation et introspection, au cours de celle-ci , l'apprenti , peut importe sa filiation de cénacle , sera amené à se confronter à lui même au travers de méditations diverses , de réflexions poussées et de remise en question des traits de caractères et des décisions etc.. Il sera face à tout ce qui fait l'Homme, dans sa totalité... et l'Homme étant une créature tout ce qu'il y a de plus imparfaite, inexorablement, l'apprenti sera amené à constater sa propre "monstruosité" , sa propre "part d'ombre" , confronté aux pulsions sexuelles ,aux envies et pulsions de haines... beaucoup cessent ce travail voire sombrent littéralement dans la dépression et les idées noires, effrayés et mortifiés par tout ce qui fait l'Homme une créature terrestre.

Cependant , lorsqu'on abandonne pas , qu'on ACCEPTE cette part d'ombre , qu'on la "réintègre", il est possible de transmuter la peur en volonté de changer , et c'est de cette démarche initiatique , qu'il est par la suite possible à tous les praticiens rigoureux de se sublimer intérieurement au fur et à mesure de leur existence et travaux, en cela , l'initiation est une mort symbolique. (La voie Alchimique préconise également cette voie , elle est nommée "Alchimie spirituelle", les alchimistes considèrent qu'il est impossible de transmuter la matière si l'on ne s'est pas , au préalable, transformé soi-même.)

c) Pourquoi est-elle si bénéfique ?

Pouvoir modifier sa nature profonde par un travail conscient , acquérir des qualités par la réflexion ,la méditations et les travaux magiques, que de bénéfice ! à l'heure où l'ère du Verseau pointe le bout de son nez , et où la société dans laquelle nous vivons réduit, si ce n'est endigue les programmes pédagogiques, l'esprit critique, la réflexion et l'érudition laissent peu à peu leur place aux jugements de valeur, moqueries et autres fainéantises d'un acabit tout aussi médiocre...

Dans ce contexte-ci , l'introspection devient un moyen de s'épanouir spirituellement et humainement (dans certaines traditions , l'introspection est poussée à son paroxysme, il est alors question d'une "dé-création de l'ego".)

Toutes les personnes ont à y gagner à pratiquer l'introspection, que ce soit seul ,ou en groupe, spirituellement parlant , c'est l'unique manière de "refaire corps" avec le Divin, car "ce qui est en haut et comme ce qui est en bas" et l'Homme est un microcosme à l'image du Macrocosme , de ce fait , lorsqu'on apprend à connaître l'Homme , à se connaître , l'on apprend à connaître le Divin.

Mention spéciale: De la Bienveillance.

L'expression qui dit que l'Homme est un loup pour l'Homme n'a jamais été aussi réelle, la communauté ésotérique se targue d'être différente de la société inhumaine dans laquelle on évolue, mais en réalité, cela est faux. l'Homme "ésotérique" est prêt à tout pour asseoir sa dominance, son influence sur autrui, est prêt à tout pour avoir le rituel miraculeux, est prêt à tout pour avoir raison, et la bassesse ne l'épargne pas. Beaucoup se targuent d'être dans la "lumière", de faire le "Bien" autour d'eux mais entrent dans une fureur noire quand on OSE ne pas aller dans leur sens.

A ceci, une petite note philosophique, que fait-on de la bienveillance envers son prochain ? il ne s'agit pas d'appliquer bêtement le "pardonne, prend du recul, tend l'autre joue" non ! que fait-on de la vraie bonté ? que fait-on de l'amour de la connaissance additionnée à l'amour de la transmission ? l'Homme est un être social, quoi qu'on en dise, il a toujours besoin des autres pour exister, pour se sentir à l'abri, pour être tout simplement bien. Être praticien spirituel, être dans la spiritualité ou pratiquer la Magie, c'est finalement rien d'autre que s'interroger sur la place de son espèce dans l'univers, sur sa propre place, son propre rôle à jouer et en définitive, ce qui se présente à nous, c'est le choix. Le choix d'agir pour le bien commun, d'agir pour son propre bien, et pour cela, quoi de mieux que la bienveillance ? quelle action plus concrète pourrait rapprocher l'Homme de l'état de grâce auquel il aspire tant ? il n'y a pas de modèles pré-définis, seulement, traiter les autres avec respect, les aider quand ils sont dans le besoin, les guider quand ils sont dans le noir, apprendre d'eux et ne pas perdre espoir.

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 Le voyageur contemplant une mère de Nuage,1818, C.D. Friedrich